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Yoga et Cerveau 20/10/2022
Le Principe

le yoga est peut-être la discipline qui a poussé l'art de la respiration à son degré le plus abouti.
À travers le prânâyâma (terme signifiant « contrôle de la force vitale »), il propose notamment des techniques visant à améliorer la santé par le contrôle du souffle. Les recherches modernes ont confirmé que la pratique régulière de certains exercices respiratoires est bénéfique, aussi bien d'un point de vue physiologique - diminuant par exemple le risque d'accident cardiovasculaire - que psychologique - augmentant le bien-être et réduisant le stress. Des résultats plus récents, obtenus par la chercheuse américaine Selma Yildiz et ses collègues de l'université de l'Oregon, viennent de lui trouver une nouvelle vertu : la respiration yogi optimiserait le nettoyage des neurones, en augmentant la vitesse de circulation du liquide céphalorachidien, ou LCR, le liquide qui baigne l'intérieur de notre cerveau et de notre moelle épinière.

Ce fluide a de multiples fonctions. D'abord, il «soutient» le cerveau et protège les neurones des chocs extérieurs. Mais le LCR n'est pas un lac, c'est une rivière. Ou plutôt, c'est une mer intérieure, avec son flux et son reflux: il oscille en effet entre le bas de la moelle épinière et le cerveau, à travers lequel il circule via un complexe système de canaux et de «grottes», passant même peut-être entre les cellules cérébrales elles-mêmes. Sur ce trajet, il véhicule de nombreux nutriments et hormones jusqu'aux cellules nerveuses : c'est là son deuxième rôle. Depuis quelques années, une troisième fonction fait l'objet d'une attention particulière de la part des scientifiques. Le LCR joue en effet un rôle crucial dans l'élimination des déchets produits par l'activité des neurones, qu'il collecte au cours de sa circulation - un peu comme un système de tout-à-l'égout. Il « détoxifierait » donc le cerveau, avant de faire passer les déchets dans la circulation sanguine, qui les amènerait dans les reins ou le foie où ils sont détruits.

Séance de Lavage Interne

Mais quel est le moteur de cette circulation? En premier lieu, le cœur. Le LCR est produit dans le cerveau à partir de la filtration d'une partie du sang qui y passe, de sorte que chaque battement cardiaque envoie une pulsation qui se communique à ce fluide et le propulse en avant. En conséquence, les oscillations du LCR suivent le rythme de ces battements. Cependant, la respiration influe notablement sur ce mécanisme. Chaque inspiration crée en effet une baisse de pression dans le thorax, ce qui «aspire» non seulement l'air extérieur, mais aussi le sang qui revient du cerveau. Toute la circulation sanguine accélère alors, de même que les battements cardiaques et, par rebond, le LCR. L'expiration n'a en revanche que peu d'effet, car elle ne mobilise aucune action musculaire - sauf durant certaines activités (voir l'encadré page suivante).
Ce « moteur respiratoire » est d'autant plus intéressant que, contrairement au cœur, nous sommes capables de le contrôler. Parviendrions-nous alors à optimiser la circulation du LCR par ce biais? Une étude publiée en 2019 par l'équipe de Gôkmen Aktas, du centre médico-universitaire de Gôttingen, en Allemagne, suggérait déjà que c'était possible : elle montrait qu'inspirer de façon ample et prolongée accélère davantage le LCR qu'une inspiration courte - la dépression dans le thorax étant alors plus forte et plus longue. Selma Yildiz et ses collaborateurs ont quant à eux étudié l'influence de quatre techniques de respiration yogique. Il s'agissait dans tous les cas de respiration lente et ample - les participants devaient compter 3, 4 ou 5 secondes au choix par inspiration et par expiration -, sans instruction complémentaire dans l'une des techniques, et en utilisant différents muscles respiratoires dans les 3 autres techniques : soit le diaphragme seul (ce qui correspond à la fameuse respiration «par le ventre »), soit les muscles qui écartent les côtes basses (à la fois le diaphragme et une partie des muscles intercostaux), soit les muscles du haut de la cage thoracique.

Dans leur étude, qui réunissait 18 volontaires âgés de 18 à 61 ans, les chercheurs ont quantifié les mouvements du LCR (leur sens, leur amplitude et leur vitesse) en utilisant des méthodes d'imagerie par résonance magnétique à cadence ultrarapide. Ils ont d'abord établi des valeurs de référence lors de la respiration naturelle des participants, puis les ont comparées aux valeurs relevées pendant la pratique des quatre techniques de respiration yogiques. Comme prévu, amplifier la respiration accélérait la circulation du LCR, en accroissant l'aspiration qui s'y appliquait. Toutes les modalités respiratoires étudiées avaient cet effet, avec une accélération allant de 16 à 28% selon la technique. Mais, et c'est ce qui fait l'intérêt particulier de cette étude, l'effet était maximal lors des exercices privilégiant la contraction du diaphragme.

Tousser fige votre mer intérieure

En temps normal, vous inspirez en contractant toute une série de muscles, mais vous expirez de manière passive: vos poumons se dégonflent simplement par élasticité. Mais dans certains cas, par exemple lorsque vous chantez ou que vous faites du sport, l'expiration devient active : vous comprimez certains muscles, notamment abdominaux, pour chasser l'air et maîtriser finement sa sortie. Il en résulte une surpression dans le thorax qui ralentit la circulation du LCR, la mer intérieure qui baigne le système nerveux. C'est aussi ce qui se produit lorsqu'on tousse, la surpression étant alors particulièrement importante : dans ce cas, le LCR est carrément empêché de redescendre du cerveau ! En d'autres termes, votre mer intérieure - ou, si l'on utilise une métaphore moins poétique, votre système de tout-à-l'égout cérébral - se fige... heureusement de façon très provisoire.

Le Diaphragme une Pompe Surpuissante !

Pourquoi cette particularité? Ce point n'est pas abordé par Selma Yildiz et ses collègues, mais il mérite attention. Le diaphragme est un muscle en forme de coupole qui sépare le thorax de l'abdomen. Quand il se contracte, il descend et comprime le contenu abdominal -c'est pour cela que le ventre gonfle à l'inspiration lors de la respiration diaphragmatique. La cavité abdominale est alors en surpression, ce qui pousse le sang des veines vers le cœur. S'ensuit une accélération marquée du débit sanguin, et donc du LCR que ce débit alimente. Le diaphragme, «pompe respiratoire principale», est ainsi qualifié de «pompe sanguine accessoire». Le contracter, comme lors de la respiration yogique, accélère donc la circulation du LCR par deux mécanismes : l'amplification de l'inspiration elle-même (également présente lors de l'inspiration costale) et l'augmentation du débit cardiaque (absente ou minime lors de l'inspiration costale).

Un Bénéfice contre la Maladie d'Alzheimer

Que retenir de tout cela? Que respirer contribue à «laver» le cerveau en favorisant les mouvements du LCR, reconnus comme détoxi-fiants. Que respirer fort et lentement accentue ce phénomène. Que respirer «yogiquement», avec son diaphragme, le maximise encore. C'est d'autant plus intéressant qu'une accumulation anormale des déchets cérébraux, en particulier la protéine bêta-amyloïde, est soupçonnée être à l'origine de certaines pathologies neuro-dégénératives, comme la maladie d'Alzheimer. Reste à déterminer si la respiration diaphragmatique aiderait à lutter contre ces maladies. Notons que la respiration n'est pas la seule « bonne pratique » susceptible de donner un coup de pouce au LCR. En 2019, Nina Fultz, de l'université de Boston, et ses collègues ont montré que pendant certaines phases du sommeil, la circulation du sang et celle du LCR accélèrent de façon concomitante. Bien dormir est donc également important pour le nettoyage du cerveau !

Bibliographie

S. Yildiz étal.,
Immédiate impact of yogic breathing on pulsatile cerebrospinal fluid dynamics, Scientific Reports, 2022.
G. Aktasefer/., Spinal CSF flow in response to forced thoracic and abdominal respiration, Fluids Barriers CAS, 2019.
N. E. Fultzefo/., Coupled electrophysiological, hemodynamic, and cerebrospinal fluid oscillations in human sleep, Science, 2019.

Auteur

THOMAS SIMILOWSKI
Chef du département Respiration, réanimation, réadaptation respiratoire, sommeil, à l'hôpital Pitié-Salpêtrière, à Paris, et directeur de l'unité de recherche Neurophysiologie respiratoire expérimentale et clinique (Inserm-Sorbonne Université).



Michel  Chauvet
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